INTERVIEW : Valar Morghulis, de riffs et d’épées !

En cette période difficile, il est très important de continuer à soutenir les artistes, et c’est pour cette raison que nous avons décidé de nous intéresser à des groupes plus underground dans les prochains mois. Et le premier coup de coeur que je voulais évoquer avec vous, étant fan de la scène metal italienne, ce sera le groupe de metal épique et mélodique Valar Morghulis ! J’ai donc pu échanger avec Luca Mapelli, chanteur (chant saturé) et guitariste de Valar Morghulis, et nous avons pu évoquer la composition de Fields Of Ashes, premier album de ce groupe très prometteur ! Et bien sûr nous avons évoqué les galères d’un groupe underground à une époque qui fait décidément peu de cadeaux aux musiciens.

All Rock : Salut Luca, comment ça va ?

Luca Mapelli : Je vais bien, merci ! Et toi ?

All Rock : Moi aussi ! Pourrais-tu présenter Valar Morghulis à nos lecteurs qui ne vous connaîtraient pas ?

Luca : Bien sûr ! Nous sommes Valar Morghulis, un groupe du Nord de l’Italie, pas très loin de Milan. Et on s’est formés en hiver 2017 et en gros notre idée, venant chacun de styles différents de musique, était de mélanger tous nos goûts plutôt différents tout en restant dans le cadre du metal. Donc on voulait combiner ces parties mélodiques avec des riffs mais aussi avec aussi des passages plus sombres. On a fini par ajouter cette voix féminine en lead, avec des cris et du growl en plus de parties mélodiques. Donc je dirais que c’est un peu particulier, mais ça marche, on aime ça. Et depuis ce jour on a tourné dans notre région, et en 2019 on a sorti notre album Fields Of Ashes, que vous pouvez aller écouter quand vous voudrez !

All Rock : A vrai dire j’ai déjà écouté l’album et je l’ai bien aimé !

Luca : Oh cool ! OK ! Eh bien c’était l’effet qu’on voulait donner, donc merci !

All Rock : Il est sorti il y a bientôt 2 ans, et 2 ans après, quel est ton point de vue sur cet album ?

Luca : La première chose à laquelle je pense à propos de l’album, c’est qu’on a vraiment choisi un timing de merde. Parce qu’ensuite on voulait tourner un peu, et le promouvoir. Mais il est sorti fin 2019, donc avec un très mauvais timing. Mais à part ça je pense qu’on est toujours heureux de la production. On a été enregistrés et mixés par Mattia Stancioiu, qui était le batteur du groupe de power metal Labyrinth. Et je pense qu’il a fait un bon boulot ! J’aime toujours écouter l’album, parfois on espère avoir fait quelque chose différemment, mais on l’aime toujours tous. Pour moi, mes préférées sont la première, Where The Blackfish Dwell, parce que j’ai une connexion à cette chanson, et j’aime aussi beaucoup To The Walls, qui est la dernière parce que je la trouve fun à jouer, et elle fonctionne comme chanson à mosher.

All Rock : D’ailleurs il y a des chansons qui sont centrées autour de Game Of Thrones, est-ce que toutes le sont ?

Luca : Non, le nom du groupe, Valar Morghulis, était une idée de notre bassiste, Rob. Il lisait les livres de A Song Of Ice And Fire, avant même que la série ne sorte. Donc il a pensé que ce nom avait un sens sombre et cool. Et bien sûr, la série est sortie aussi, et c’était un plus, mais l’idée est venue de lui. Mais on ne veut pas juste sortir des choses liées à Game Of Thrones. A vrai dire sur l’album il y a une chanson liée à Game Of Thrones, et c’est Dreadfort, qui parle de la forteresse Bolton où il y a de la torture et de la cruauté. Mais le reste va de la littérature à la nature, des chansons de bataille, des expériences personnelles, de la mythologie… Donc nous n’écrivons pas sur une seule thématique.

All Rock : Je demandais ça parce que Blackfish est aussi le nom d’un personnage dans Game Of Thrones, je crois.

Luca : Oui, c’est vrai, mais c’est aussi un vieux noms que les gens donnaient aux orques, donc c’est en fait une chanson dédiée à la Norvège et aux fjords, que j’aime beaucoup. J’y suis allé plusieurs fois. Donc Where The Blackfish Dwell parle de cet endroit, de cet endroit, qui est selon moi quelque chose très propice au metal.

Majestueux et épique, mais en même temps […] brutal et cruel.” – Luca Mapelli

All Rock : Comment cette chanson a-t-elle été écrite et composée ?

Luca : Je suis très lié à cette chanson car en dehors de la musique, mon autre passion est le voyage, surtout dans les pays nordiques. Donc j’ai été en Norvège plusieurs fois. Une fois en été et les autres fois en hiver, et il y a ce paysage épique dont je me souviens. L’hiver en Norvège du Nord avec les montagnes et la neige. Puis les fjords où on voit les aurores boréales, puis cette vie dans l’eau, il y a cette migration de baleines et d’orques, et ce genre de choses… C’est extrêmement majestueux et épique, mais en même temps c’est un paysage brutal et cruel. Il fait froid, il y a du vent, et quand je vois ces animaux je me dis qu’ils sont magnifiques, mais je ne voudrais pas être leur dîner. Et je me suis dit que c’était plutôt metal, donc j’ai décidé de faire une chanson sur ces paysages. J’avais écrit la musique avant cela, mais je n’avais pas de paroles à utiliser avec. Donc j’ai assemblé les deux et quand je l’ai présenté au groupe, ils sont venus avec d’autres idées, d’autres sentiments, et la voix surtout. La partie vocale, j’avais en tête quelque chose de très direct. Je chantais assez simplement, et Rob est arrivé avec la mélodie de voix et on a tout assemblé. Je suis vraiment reconnaissant envers eux de l’avoir amené à la vie avec moi.

All Rock : Parlons un peu de la couverture d’album, que représente-t-elle et qui l’a peinte ?

Luca : D’abord laisse moi te remercier pour ta question, car ce n’en est pas une que l’on nous pose souvent, et je pense que c’est intéressant. En gros le dessin est par Davide Cicalese de Furor Gallico, dont il est le chanteur. C’est un groupe de blackened folk metal italien, je dirais. Ou simplement de folk metal, qui est assez gros au niveau local. Et il est ami avec Lorenzo, notre autre guitariste, et il nous a aidés avec cette idée. Et l’idée pour ceux qui ne connaitraient pas l’image, c’est en gros une femme dont on ne voit pas le visage à cause de l’ombre, et elle tient un casque vide, et derrière elle il y a un genre d’ombre qui la prend dans ses bras. Et c’est censé représenter, je pense, ce que représente Valar Morghulis et beaucoup de nos chansons. Donc ça représente ce genre d’entortillement de la vie et de la mort, et la beauté voire la poésie de certaines choses mais aussi la souffrance et la mort. Where The Blackfish Dwell en est un bon exemple, mais aussi la guerre et les batailles : c’est quelque chose de cool et d’épique, mais au final, c’est aussi à propos de souffrance et de mort. Et sur cette image il y a une femme qui tient ce casque vide de son mari ou d’un proche, et la mort derrière elle la prend un peu dans ses bras, des ombres passant par dessus elle. C’est la mort comme quelque chose de négatif mais aussi comme un soulagement dans ce cas précis. Parce qu’elle pleure un proche et la mort la console, peut-être qu’ils se rencontreront à nouveau. Et je pense que ça résume un peu l’ambiance qu’on essaie de créer sur l’album.

All Rock : Cette couverture va bien avec votre nom de groupe, qui veut dire “tous les hommes doivent mourir” en valyrien !

Luca : Oui, on doit vivre d’abord puis on doit mourir, donc ce sont deux choses sur lesquelles on aime chanter.

All Rock : A propos de chanson sur la mort, To The Walls parle de bataille n’est-ce pas ?

Luca : Oui, c’est une chanson de bataille très fictionnelle. A vrai dire l’idée des paroles m’est venue quand j’étais un ado, j’avais écrit un livre de fantasy pour moi-même. C’était fun à faire, et il y avait des démons attaquant les murs. Mais visuellement c’était très inspiré de trucs comme le siège du Gouffre de Helm dans Le Seigneur Des Anneaux. Avec cette atmosphère épique. Donc la chanson parle des défenseurs sur le mur qui voient cette horde arriver. Ils doivent résister mais ils savent d’une certaine manière qu’ils sont condamnés. Et à la fin ils disent “nous ne verrons pas la lumière”. Et c’est aussi pourquoi la chanson termine l’album. C’est un peu le dernier combat, la dernière bataille.

All Rock : Quelle chanson était la plus dure à faire sur l’album ?

Luca : Je dirais que pour certaines chansons, quelqu’un présente l’idée puis les autres doivent travailler autour. Par exemple Where The Blackfish Dwell ou Dreadfort sont plus mes idées, et To The Walls, la musique est plutôt l’idée de Lorenzo. Et j’ai contribué. Et Queen Of Hades était celle de Isobelle, notre chanteuse. Et comme elle ne joue pas d’un instrument elle avait juste une idée de comment ça devrait sonner dans son esprit, mais ce n’était peut-être pas aussi facile à montrer que pour moi ou d’autres musiciens. Et elle avait vraiment cette histoire en tête. La chanson parle d’Hadès et Perséphone, donc la mythologie grecque de cette déesse de la vie qui tombe amoureuse du dieu de la mort, Hadès. Et elle voulait vraiment que cette chanson suive un fil, d’abord avec de belles fleurs puis Hadès arrive avec des flammes et du bruit, et elle a peur mais au final elle tombe amoureuse de lui. Donc on voulait la suivre là dessus et lui donner ce qu’elle voulait. Et je pense en fait que la chanson entière est un genre de crescendo. Mais ce n’était pas facile à faire parce que ça requiert beaucoup de boulot. Donc c’était la plus dure à composer.

On essaie de nouveaux sujets pour le nouvel album.” – Luca Mapelli

All Rock : Qu’avez-vous prévu pour le futur ? Travaillez-vous sur de la nouvelle musique ?

Luca : Oui on travaille sur de nouveaux morceaux. Et c’est une info de cette semaine : on va pouvoir retourner au local de répétition, qui a rouvert. En gros ce mois-ci on a bossé en ligne avec Dropbox etc pour enregistrer nos riffs et nous les envoyer, et on a collaboré comme ça. Donc on travaille un peu sur de nouveaux morceaux. Il y en a un que Rob a écrit à partir d’une phrase de Shakespeare, un de Lorenzo sur l’ancienne Égypte… Donc on essaie de nouveaux sujets pour le nouvel album, mais pour le moment, on ne peut pas vraiment faire de plans sur le long terme à cause de la situation.

All Rock : Je crois que vous avez tous des boulots à côté dans le groupe. Quel est le tien ?

Luca : Oui on en a tous. Moi je travaille en gros dans une entreprise de recherche et de sondages. Donc je fais des sondages aux gens, sur leur opinion politique et d’autres types d’analyses, ce que j’aime bien car je suis quelqu’un de curieux. J’aime bien savoir ce que les gens pensent, ce qu’ils disent, font, écoutent… Mais si je pouvais vivre de la musique, je dirais oui immédiatement. Je pense cependant que ce n’est pas possible pour la plupart des gens ces temps-ci.

Les groupes étaient là pour vous, et maintenant ils ont besoin de vous.” – Luca Mapelli

All Rock : Je crois que nos lecteurs doivent comprendre que tous les groupes ne peuvent pas y aller en pro à 100%.

Luca : Oui même de nos jours, les groupes très underground comme nous, on survit parce qu’on a nos boulots à côté, et les gros groupes comme Metallica, Iron Maiden, Judas Priest, Rammstein… Ils sont énormes donc ils ont tout le merch, les droits, ils ne seront jamais dans le besoin. Mais tous ces groupes entre les deux qui vivent ou vivaient de la musique, et qui ne peuvent plus tourner, je pense qu’ils font face à de gros soucis…

All Rock : Oui je crois que des groupes comme Anathema ont arrêté à cause de ça !

Luca : Ouais, j’ai aussi acheté du merch de groupes que je soutiens, dans cet entre-deux, comme Ensiferum etc… Ils vivent de la musique mais ne sont pas si énormes. En France des groupes comme Alcest sont assez grands mais pas assez pour survivre sans tourner pendant 5 ans je pense. Donc on veut vraiment les soutenir !

All Rock : Merci pour cette interview, est-ce que tu as quelques mots pour les français qui te découvrent aujourd’hui ?

Luca (en français) : Oui, je voudrais le dire en français, car je l’ai étudié, mais je ne le parle pas très bien, donc je ne voulais pas avoir trop de difficulté pendant cette interview. Je voudrais dire ceci en français pour m’adresser directement à tout le monde : regardez-nous sur Internet, écoutez nos chansons, dites-nous ce que vous en pensez, et surtout comme je viens de le dire, pendant ces moments de merde, continuez à soutenir la scène metal underground. J’imagine qu’il y a quelques temps vous avez eu une période de merde dans votre vie, vous écoutiez une chanson spéciale qui vous aidait. Les groupes étaient là pour vous, et maintenant ils ont besoin de vous. Mais je suis sûr que des gens parmi vos lecteurs jouent aussi de la musique, donc ils savent ça. Donc continuez à les soutenir et “keep on metal” !

All Rock : Merci beaucoup Luca, j’espère te voir en tournée en France un jour !

Luca : Oui, nous espérons vraiment enfin traverser les Alpes et tourner en Europe et rencontrer tous ceux qui voudront en être !

All Rock : On va essayer de vous faire connaître un maximum en France !

Luca : Merci, merci beaucoup pour cette interview et bonne chance avec tout ça. C’est une période dure pour tout le monde, on doit tous se soutenir les uns les autres !

All Rock : Merci beaucoup, bonne chance à toi aussi et bonne soirée !

Luca : Toi aussi, merci !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.