Wardruna, un nom qui évoque à lui seul toute la vague de néo-folk de ces dernières années. En effet, depuis 2003, Einar Selvik crée de la musique inspirée de celle de nos ancêtres, quinze ans avant la formation de Heilung et de Skáld qui l’ont rejoint au sommet de ce style de plus en plus en vue des passionnés d’histoire et de musique. Après la trilogie Runaljod et l’album Skald, Wardruna nous propose donc ce Kvitravn, décrit par son créateur comme une sorte de quatrième opus de Runaljod, basé sur l’animisme. Tout un programme ! Laissons-nous donc emporter par cette invitation au voyage dans la nature norvégienne !
Dès le premier morceau Synkverv on voit se succéder des instruments qu’on ne saurait pas nommer pour un magnifique résultat atmosphérique, qui donne le ton de cet album personnel au Kvidravn, Einar Selvik. Le morceau fera planer immédiatement mais avec une once de doute ou de noirceur dans la mélodique. Envoûtant ! Le titre éponyme de l’album que nous avions pu découvrir commencera avec des croassements de corbeau et les magnifiques instruments à cordes frottées associés à la voix d’Einar offrent une sensation d’authenticité avec un chant nuancé qui évolue, et une sensation de grandeur dans la musique qui laisse de l’espace malgré les nombreuses pistes, toutes étant au service du morceau. Les percussions seront plus présentes sur Skugge, qui enchaînera les tons tristes et plaintifs puis accélèrera pour aller dans une deuxième partie de morceau ultra entraînante, et la vielle à roue nous rappellera The Witcher 3, avant une fin chuchotée dans le vent. En six minutes seulement, Wardruna nous aura offert trois tableaux !
On revient à un single avec le court Grá, dédié aux loups qui ouvrent le morceau avant un rythme de percussions hypnotique, et l’intervention de voix polyphoniques superposées, propices à la méditation, avant un final d’anthologie à base de chant féminin. On sera plus en terrain pluvieux sur le violent Fylgjutal qui fera penser au combat, sombre, énergique avec des instruments à vent rappelant le clairon. Les rythmes sont magnifiques et l’orage se fraie un chemin à travers la musique, et Fylgjutal se termine sur une montée en puissance quasi martiale. Après un tel déchaînement de puissance, l’introduction calme de Munin, nous rappelant l’album acoustique Skald, sorti en 2018, fait presque figure de pied de nez, et les instruments à vents se joignent ensuite à Einar, pour un rendu magistral. On serait presque tenté de visualiser un voyage dans plusieurs paysages dans ces changements d’ambiance musicale, et le retour chez soi dans le calme de la fin de morceau. Un coup de cœur !
Les claviers s’ajouteront discrètement aux bruits forestiers et instruments à vent sur Kvit Hjorn, propice à la détente tandis que Viseveiding donnera une impression plus médiévale avec des voix féminines et de la vielle à roue. La flûte (on suppose que c’en est une mais on ne sait jamais vraiment avec Wardruna) apportera un côté aérien à ce morceau plus simple en apparence, mais très intéressant par la multiplicité de ses pistes. Ni, de son côté, nous ramènera au coin du feu avec un chant simple associé à des percussions dramatiques, qui seront rejoints par des violons et d’autres parties de chant après le premier tiers.
Vindavlarljod sera très calme, à la vielle et voix, pendant les premières 2 minutes 30 puis arriveront les percussions et les voix additionnelles, très réussies. La montée en puissance et le retour au calme seront très progressifs avant d’aller vers le toujours plus spectaculaire Andvevarljod, la chanson des tisseuses de vie ! Le chant se fait dramatique tandis que les bruits de nature se font entendre. Le rythme est lent et pourrait presque évoquer des pas, et la nature se fait orageuse par moments, avec des cornes et des cuivres qui s’immiscent dans le mixage. Le morceau ralentit ensuite pour se terminer comme on termine un voyage.
En bref : Difficile de noter un album comme celui-ci car selon l’humeur il peut totalement changer aux yeux de l’auditeur. Cependant, en étant serein et dans de bonnes conditions, son écoute sera tout bonnement magistrale, faisant voyager calmement dans les paysages norvégiens chers à Einar Selvik, et à Wardruna en général. Un très bel album que je réécouterai volontiers !
4/5
Coups de cœur : Kvitravn, Skugge, Gra, Fylgjutal, Kvit Hjorn.