Louder Than Life 2025 – Louisville, Kentucky (18 septembre)

L’édition 2025 du Louder Than Life a transformé le Kentucky Exposition Center en un carrefour du métal, du hardcore, de l’énergie pure. Avec plus de 170 groupes annoncés et un public record estimé à 240 000 personnes, ce jeudi s’est imposé dès l’ouverture comme un des meilleurs jours de festival. Le festival — dans sa 11ᵉ année — a tout misé sur une logistique améliorée et un agencement nouveau pour éviter les erreurs du passé.


Ambiances de camp et prologue

Tu débarques avec ton collègue dans ce monde parallèle : tentes dressées, camionnettes, générateurs qui ronronnent, canapés gonflables, groupes d’amis qui s’assemblent instantanément. La chaleur écrasante mêlée aux discussions de line-up, aux rires, aux tests de son — tout cela fait partie du décor. La nuit avant le festival, le campement bouillonne : on sent que quelque chose de grand se prépare.

Ce jeudi matin, les portes s’ouvrent. La marée humaine s’engouffre dans les allées poussiéreuses, prête à vivre la musique à fond.

Colorblind

Sous le soleil de début d’après-midi, Colorblind ouvre la journée comme un signal de départ : la foule entre encore, l’oreille cherche ses repères, et le mix met quelques minutes à se caler — mais la voix, elle, tient la barre et révèle des lignes mélodiques nettes. On sent d’abord un public en observation, mais le groupe ne lâche pas : riffs carrés, refrains qui se fixent, breaks simples et efficaces. Plus le set avance, plus la Loudmouth (ou sa zone adjacente selon la grille) se densifie et répond aux appels. Les premiers slams apparaissent timidement, puis un petit pit tourne sur le final. Le contraste est intéressant : modeste en mise en scène, mais sincère et déterminé dans l’exécution — exactement le genre d’ouverture qui fait décoller une journée de fest, surtout quand les scènes principales tirent déjà les curieux. Tu notes aussi que le line-up de ce jeudi est « impossible » (beaucoup d’artistes forts en simultané), ce qui rend leur mission d’ouverture encore plus casse-gueule… et pourtant, ils emportent la dernière chanson chantée en chœur comme un mini-manifeste : pas besoin d’artifice quand le cœur y est. À la sortie, ça discute positivement : “pas la perf la plus bruyante du jour, mais un vrai starter”. C’est exactement ce qu’il fallait : mettre l’élastique sous tension sans cramer les cartouches.

Landmvrks

Fierté française sur sol américain : Landmvrks arrive nerfs à vif et allume la mèche avec Créature. Un pépin technique au début ? Oui, mais l’énergie ne retombe pas — au contraire, Flo le verbalise, remet la salle dans la poche, et la machine repart. Très vite, tu sens que le groupe a des fans ici : Feel Like This est repris fort, et le plus récent A Line Is A Dust n’a rien d’un inconnu pour une partie du public, preuve que le bouche-à-oreille US a fait son travail. Puis le moment signature : “Wall of death !” Sur Sulfur, la foule se fend en deux, le pit s’ouvre en grondement latéral, et ça repart en collision parfaitement consentie. Lost in a Wave met un coup d’accélérateur : devant, ça se tasse dur, ça crowd-surfe, ça transpire Marseille à plein régime. Set court, oui — c’est la dure loi des après-midi de festival —, mais impact maximal : Self Made Black Hole finit d’arracher des cris, et les applaudissements durent au-delà du cut de plateau. Ce qui reste : la sensation qu’un groupe européen a imposé sa patte au milieu d’une affiche US surchargée. Beaucoup te diront qu’ils ont “gagné” de nouveaux fans en 30 minutes. Et pour toi, en tant que Français, c’est le frisson chauvin de la journée.

Catch Your Breath

Changement d’échelle : la foule se compacte franchement pour Catch Your Breath. La pyro claque — bruit sec, flash instantané —, et la scène paraît d’un coup plus grande. Tu les vois pour la première fois en concert après plus d’un an à les écouter : l’excitation personnelle rejoint la chaleur collective. Le groupe joue une inédite (non encore sortie), moment fan-service intelligent qui met le feu aux conversations autour de toi : “c’était quoi ce titre ?”. Puis arrivent les hymnes : 21 Guns et surtout Dial Tone, repris en chœur par des milliers de voix — le volume du public rivalise avec le PA sur les refrains. On sent une science du crescendo : garder la pyro pour ponctuer, serrer la setlist pour ne pas mollir, laisser respirer juste assez pour relancer le jump. Le rendu son te paraît bien calé à ce stade de journée, meilleur qu’en tout début — les technos semblent avoir trouvé la bonne courbe pour la zone. Et oui, il fait une fournaise : hydratation, casquettes improvisées, mais personne ne lâche sur le final Shame On Me qui sert de point d’orgue. À la sortie, cette idée revient : “vibes de headliner sur un créneau d’après-midi”, preuve d’une fanbase très active et d’un live pensé pour les très grands espaces.

From Ashes To New

Coucher de soleil sur la Loudmouth : From Ashes To New prend la scène au moment où la lumière devient or et donne cette sensation d’heure magique qui transcende tout. Leur mélange rap/metal est taillé pour les festivals : flow net, rimes syncopées, puis voix claires qui ouvrent l’espace émotionnel ; la foule bascule de l’un à l’autre sans effort. Give Me A Reason agit comme un déclencheur de frissons collectifs : bras levés, paroles renvoyées mot pour mot, et tu sens que beaucoup attendaient ce titre. Là où d’autres foncent en frontal, FATN module l’intensité, ménage des respirs qui font gonfler les refrains. Scéniquement, pas d’esbroufe, mais du placement : musiciens qui se croisent sans se gêner, points d’appui nets pour les photographes, et un son étonnamment propre malgré la densité du site en début de soirée. Tu assumes ton cœur “emo” : c’était inratable pour toi, et le live te confirme qu’ils ont le format “main stage de 20h” à court terme. À la fin, un mot du chanteur sur les choses qui ne vont pas, puis reprise immédiate : l’authenticité sans pathos, exactement ce que cherche ce public. Beaucoup autour de toi lâchent la même phrase : “qu’ils viennent en tournée en France, maintenant”.

Lorna Shore

La nuit tombe, et Lorna Shore sort les cavaliers de l’Apocalypse. Mur de son précis, gutturaux abyssaux, breakdowns qui écrasent sans baver — tu prends une claque. Côté pit, c’est l’arène : cercles qui s’ouvrent, vagues qui repartent de la barrière, medics qui circulent quand il faut (la densité jour 1 après 16h a été décrite comme “épaule contre épaule” par pas mal d’habitués). Will Ramos tient la scène comme un conjurateur : gestes précis, regard qui accroche, et une habitude manifeste des grands plateaux. La section rythmique lime le tempo, les guitares noircissent l’air — on pense “blackened”, mais surtout à cette capacité à mêler l’extrême et le lisible, ce qui explique pourquoi les backstages/second stages ont parfois semblé mieux sonner que certaines mains pour certains festivaliers. Le ressenti, c’est la mise à feu totale : un set où tu ne parviens pas à “sortir” — et tu n’en as aucune envie. La rumeur autour de toi dit que c’est “LE” set extrême du jeudi, celui que beaucoup replaceront dans leur top week-end. Et sur les images de presse locales, c’est bien Lorna Shore qu’on voit déchaîner la Decibel Stage. Bref : dévastation mémorable.

Slayer

Le couronnement. Après l’annulation météo de 2024, Slayer revient en conquérant : 20 titres alignés comme autant de chapitres d’une liturgie thrash. Le rideau s’ouvre sur des clips/hommages, puis feu partout : croix en flammes, jets qui lèchent le ciel, silhouettes découpées dans l’orange. South of Heaven en ouverture, Angel of Death en fermeture — entre les deux, Repentless, Disciple, War Ensemble, Chemical Warfare, Raining Blood, Black Magic… La setlist balaye l’histoire avec une précision clinique. Le public vit ça comme une réparation et une consécration : poings en l’air, cris, circle pits tardifs. Le son est tranchant, la dynamique implacable ; aucun flou — juste la signature Slayer, pure, totale. Plusieurs médias soulignent le côté “rédemption” du moment : pas d’erreur, pas de nostalgie molle, juste un acte d’autorité. Tu sors de là lessivé, euphorique, et avec cette sensation rare d’avoir vu un mythe fonctionner à plein régime. Pour toi, le jeudi prend son sens à cet instant : du starter Colorblind au rituel Slayer, tout formait une rampe de lancement.

Les performances “bonus” & surprises annoncées

Avant le headliner, le festival réserve deux surprises majeures :

  • Rob Zombie, sur la Main Stage, a joué l’album Astro-Creep: 2000 intégralement — un geste rare et très attendu.
    Plusieurs titres comme Real Solution #9, Grease Paint and Monkey Brains, I, Zombie ou El Phantasmo and the Chicken-Run Blast-O-Rama sont réapparus pour la première fois depuis 2016 dans son set.
    Il a ensuite ajouté Living Dead Girl, Dragula et Thunder Kiss ’65 pour boucler son show.
  • Cavalera (les frères Max et Igor) jouait dans le cadre d’un retour spéculaire : l’annonce officielle indiquait qu’ils interpréteraient Chaos A.D. — le célèbre album de Sepultura — intégralement.
    Selon des chroniques du festival, bien que certaines chansons aient dû être coupées pour des raisons de temps, le concert a été perçu comme une décharge d’émotion et de nostalgie.
    Le setlist publié sur Setlist.fm confirme qu’ils ont notamment joué :
    1. Refuse/Resist
    2. Slave New World
    3. Nomad
    4. Amen
    5. Propaganda
    6. We Who Are Not as Others
    7. Biotech Is Godzilla
    8. Symptom of the Universe (couverture de Black Sabbath)
    9. Territory
      (certains morceaux peuvent avoir été raccourcis ou retirés) Setlist.fm
  • Down, le groupe de Philip Anselmo, était lui aussi présent sous le signe du retour. Leur performance marquait leur premier passage à Louisville en 10 ans, dans le cadre de la célébration des 30 ans du mouvement NOLA. louderthanlifefestival.com+1
    La voix grave d’Anselmo, le groove lent et puissant de Down, offrait un contraste bienvenu après les déluges sonores. Plusieurs spectateurs affirment que ce set fut une bulle de plaisir, presque un moment de répit dans la tornade musicale du jour. leoweekly.com

Conclusion & portée

Ce jeudi fut bien plus qu’un simple début — ce fut une affirmation. La diversité des styles (metalcore français, rap-metal, brutal death, thrash), les performances historiques (Rob Zombie, Cavalera) et le retour triomphal de Slayer ont fait vibrer Louisville. Le festival avait préparé ce jour comme une pièce maîtresse, et il l’a livré.