20 ans ! Voilà 20 ans que Garmonbozia organise des concerts à travers la France, et All Rock était aux premières loges pour assister aux deux jours de festivités à l’Étage, Rennes.
C’est Somali Yacht Club qui ouvre le vendredi à 17h pour un show de 25 minutes. Un début de concert quelque peu timide et pas beaucoup de public en cette fin s’après-midi, mais l’ambiance se réchauffe assez rapidement et chacun dans cette salle montre bien qu’il est content d’être là. Le stoner shoegaze psyché de ce trio ukrainien est aussi planant qu’énergique, et le public est particulièrement réceptif sur les 2-3 derniers morceaux du show. Somali Yacht Club est actuellement en tournée avec Stoned Jesus jusqu’à fin novembre, ils seront notamment à Montpellier le 4 novembre pour ceux que ça intéresse.
Quelques minutes plus tard arrive une joyeuse bande de chevelus rennais survoltés, j’ai nommé Hexecutor. Un speed thrash qui réveille le public arrivé entre-temps, à tel point que les gens croient que le concert est commencé alors que les balances ne sont pas encore terminées. Un jeu de scène assez démentiel, des pogos en masse avant même le début du set, bref : ça bouge, ça va vite, ça crie très fort, et ça va encore plus vite. Nous avons eu droit à 35 minutes de concert dans cette ambiance cocaïnesque, et voilà qu’arrive Stoned Jesus.
Aaaaah Stoned Jesus ! Moins de pointes, moins de cuir, mais quand tu vois une Gibson RD branchée dans un JCM 800 ça annonce de bien belles choses. Le show du trio ukrainien (ouais, encore) nous a immédiatement ramené aux prémices du heavy metal survenu au début des années 70, le point de basculement entre le hard rock/heavy blues et l’univers metal actuel, et le côté chamanique n’est pas sans rappeler Led Zep et Black Sab à leurs débuts, et d’ailleurs Tool et Pearl Jam ne sont pas très loin. La basse très lourde martèle l’Étage avec le soutien de la batterie, et les deux frontmen se baladent dans des coins complètement improbables.
– Ah tiens, c’est pas éclairé ici !
Ben non rigolo des alpages, t’es plus sur scène, ça c’est une enceinte. Pendant tout leur set le public est très réactif, aussi bien à la musique qu’aux vannes de Igor entre les chansons.
Bref, des années que notre photographe voulait voir ce groupe, et voilà qu’il se retrouve juste devant ! Merci Garmonbozia !
Passons au plat suivant : Entombed AD. Le groupe de death suédois charme par le distordu et le guttural. Un jeu de scène relativement simple mais efficace, et ça commence vraiment à slamer. “J’aime bien rattraper tous ces mecs” nous confie l’employé de sécu avec un grand sourire, et là il a de quoi se réjouir, il pleut du chevelu dans la fosse photo. On remarque que l’un des gratteux porte un t-shirt estampillé “Bömbers”, le groupe qui côturera ce week-end de folie. Mais quand on sait que Entombed AD a tourné avec Abbath, tout devient clair. OUI, TOUT EST LIÉ ! MOUAHAHAAA ! ! !
Hum.
Mais soudain des coups sourds résonnent, et l’on comprend que ce sont les pas d’une menace inconnue qui approche. Les membres de Entombed AD s’enfuient à toutes jambes, mais c’est trop tard, car le seigneur des ténèbres branche déjà son Jack dans un ampli impérial. Vader, le groupe le plus obscur de la soirée, vient tout droit de Pologne pour déboucher les oreilles des rennais sourdingues à coups de riffs rageurs balancés via des têtes Marshall, EVH et Mesa. Pour un tel degré de prends-ça-dans-ta-gueule, un ampli chacun ne suffit pas. D’ailleurs un pied de micro classique non plus, et celui de Piotr participe beaucoup à l’ambiance visuelle du show.
Malgré un léger souci technique venant de la régie lumière, on retiendra de ce groupe un concert d’une heure démentiellement méchant et trop court, un jeu de scène très démonstratif et une excellente humeur globale aussi bien sur scène que dans le public.
L’ambiance de la salle se refroidit quelque peu avec le groupe suivant, Master’s Hammer. Ces papys du black metal venus de République Tchèque pour la messe noire du vendredi soir jouaient pour la toute première fois en France. “Vieux motard que jamais”, comme nous dit notre photographe. Malgré un public pas franchement motivé, un percussionniste dont on se demande ce qu’il fout là et l’absence totale de jeu de scène, le groupe né en 1987 nous livre un concert très propre, très pro et sans fausse note.
Tiens en parlant de scénographie : très soignée en ce qui concerne le groupe suivant, Amenra. On constate que l’éclairage est aussi minimaliste que recherché et efficace : leur show est principalement éclairé par un vidéoprojecteur qui balance des motifs noirs et blancs syncho avec la musique, le tout agrémenté de quelques coups de projecteurs blancs renforçant les refrains.
L’homme en noir, dont on n’apercevra furtivement le visage qu’à de rares occasions, reste dos au public pour diriger le rituel. Il arrive sur le lieu de culte et, à genoux, entame seul la chanson Boden. Son scream transperce l’obscurité accompagné des autres instruments dans un style mêlant doom, psyché, prog, shoegaze, sludge, hardcore, black, folk, post-rock, avec diverses influences religieuses et culturelles comme l’indique entre autres rien de moins que le nom même du groupe. Sidéré et fasciné, le public se tait et écoute. J’ai beau avoir vu une bonne centaine de concerts de metal cette année, je crois que c’est le tout premier auquel j’assiste où l’assemblée entière garde le silence sous peine de se prendre des “chhhht !”, “un peu de respect !” et autres “mais ferme-la !”.
Amenra, une ode à la plénitude furieuse et une extraordinaire extension du silence, plonge en quelques secondes toute la salle dans une ambiance à la fois oppressante et rassurante, terrible et jubilatoire. Des musiciens nous ne voyons que les ombres, les chochotements ont tout autant d’impact que les hurlements lugubres, et toutes ces dualités forment l’univers complet et parfait de ce groupe majestueux. Pas de couleurs, car ici l’ombre et la lumière se suffisent à elles-mêmes dans le sublime, extraordinaire métaphore de l’univers et de l’Humain. Un concert monumental duquel on ne ressort pas indemne.
Et dernier groupe du jour (bien que l’on soit à ce moment déjà le lendemain, lolilol xptdr) : Enslaved. J’avoue ne pas trouver grand chose à dire, si ce n’est que passer après Amenra n’est pas un cadeau. Le groupe de black prog viking mélodique norvégien (oui, tout ça, et en plus ils ont des drapeaux) achève le public à 2h et demi du matin avec autant de screams que d’envolées lyriques nordiques descendues des montagnes.
La première journée de ce festiversaire s’achève donc sur ces chants émanant de drakkars bâtis de père en fils depuis 1991, et tout le monde finit gentiment son biberon de bière avant d’aller au dodo pour pouvoir réattaquer des oreilles innocentes le lendemain, vers 16h30 du matin.
Bonne nuit les petits ❤️
Report et photos : Tigroo pour All Rock – 26/10/2018
Immenses mercis à Antoine, Mickaël et au staff de Garmonbozia.